Pourquoi parler de son salaire est-il tabou en France ? C’est une question que l’on peut régulièrement se poser. Celui qui ose poser la question se retrouve souvent devant des personnes quelque peu embarrassées, alors qu’aux Etats-Unis, évoquer le montant de son salaire est monnaie courante. Peur de susciter des jalousies, crainte d’être « réduit » à ce que nous gagnons, comparaison par rapport aux autres… Les raisons sont diverses.
Parler de son salaire, un sujet encore tabou dans l’Hexagone
On semble en parler plus qu’il y a 20 ou 30 ans, fort heureusement, mais le sujet reste toutefois tabou. La question « Combien tu gagnes ? », pourtant simple, relève même parfois de l’indécence chez certains.
Nos racines paysannes et catholiques seraient mises en cause. « Avant, l’argent était caché à la maison, pas à la banque. On n’en parlait pas, pour éviter les convoitises. Et l’Église louait la pauvreté. Puis le marxisme nous a fait développer une culpabilité du profit », explique Janine Mossuz-Lavau, sociologue.
De plus, les français sont marqués des écrits de Freud qui disait que parler d’argent (celui que nous avons ou celui que nous n’avons pas), c’est l’occasion de mettre à nu nos frustrations, nos rêves, etc. Résultat : selon une étude, seuls 37% des salariés connaissent la rémunération de leurs collègues, et ce de manière officieuse (bruits de couloirs, informations confidentielles lues par accident…).
Révéler son salaire : quelles problématiques entrent en jeu ?
Les écarts de salaire, dont la justification est parfois imprécise, peuvent générer des tensions, voire même un mal-être au sein d’un groupe de travail. Mais pourquoi un tel malaise ? Parce que savoir ce que l’autre gagne entraîne systématique une comparaison.
Afin de comprendre, le psychologue Sébastien Hof propose de se poser les questions suivantes : « Pourquoi je veux savoir combien gagne mon collègue ? Quel est le but in fine ? » Estimer ma valeur sur le marché du travail, observer ma marge de négociation, se comparer pour le plaisir de se comparer…
Des entreprises qui misent sur la transparence
Certaines sociétés brisent le tabou, c’est le cas par exemple de Imfusio, qui a même instauré des salaires « libres ». En effet, Yaël Guillon, le co-fondateur a décidé de lancer ce concept en 2016. Le principe ? Tous les 4 mois, une dizaine de salariés se réunissent pour parler de leur salaire et peuvent l’augmenter ou le réduire, de manière collégiale. Pas besoin d’une validation du patron, c’est la team qui décide ! Selon Yaël Guillon, cette transparence a fait exploser l’engagement des salariés.
« Chez Imfusio, les salaires vont ainsi de 2 700 à 5 000€ nets mensuels. Ils fluctuent aussi suivant les résultats de l’entreprise. Ainsi, lorsque l’entreprise a eu des problèmes de trésorerie, tout le monde a baissé son salaire, avant de s’augmenter lorsque le chiffre d’affaires a redécollé », est-il expliqué dans Les Echos.